Ariane Bilheran, normalienne (Ulm), philosophe, psychologue clinicienne, docteur en psychopathologie, spécialisée dans l’étude de la manipulation, de la paranoïa, de la perversion, du harcèlement et du totalitarisme.

Par Ariane Bilheran le 15 luillet 2021

Chroniques du totalitarisme 1 - La mise au pas du 12 juillet 2021

« Nous avons poussé si loin la logique dans la libération des êtres humains des entraves de l’exploitation industrielle, que nous avons envoyé environ dix millions de personnes aux travaux forcés dans les régions arctiques et dans les forêts orientales, dans des conditions analogues à celles des galériens de l’Antiquité. Nous avons poussé si loin la logique, que pour régler une divergence d’opinions, nous ne connaissons qu’un seul argument : la mort. »

Koestler, A. Le Zéro et l’Infini.

« Nous avons poussé si loin la logique dans notre politique sanitaire au nom de la santé pour tous, que nous persécutons les soignants, médecins et infirmiers, et les malades. Notre nouvelle définition de la santé est l’indifférence au consentement, le refus des soins adaptés et de la prescription par les médecins. Nous soignons les bien-portants (nous nommons malades des gens qui ne le sont pas) et délaissons les vrais malades. Le corps de chaque citoyen appartient désormais à l’État qui peut en jouir comme bon lui semble pour ses expérimentations médicales, et celui qui ne s’y soumettra pas, nous le négligerons, le maltraiterons puis le tuerons, qu’il s’agisse d’un malade qui désirait être soigné, ou d’un soignant qui désirait travailler », pourra tout aussi bien dire un haut cadre repentant du nouveau parti du totalitarisme sanitaire actuel.
 

Chroniques du totalitarisme 2 - De la violence en phase totalitaire

Par Ariane Bilheran le 4 août 2021

« Renoncer à sa liberté, c’est renoncer à sa qualité d’homme, aux droits de l’humanité, même à ses devoirs. Il n’y a nul dédommagement possible pour quiconque renonce à tout. Une telle renonciation est incompatible avec la nature de l’homme. » 

Rousseau, Le Contrat Social. 

Quelle curieuse citation de Rousseau, au regard de l’actualité que nous vivons, où tant de personnes consentent à renoncer à leur liberté sous couvert d’un mensonge, sans pour autant avoir le couteau sous la gorge, loin de là. Tout simplement, parce qu’elles aspirent pour beaucoup à la conservation de leur confort, et de leurs privilèges, et parce qu’elles y ont été enchaînées peu à peu. Heureux en esprit les pauvres. Beati pauperes spiritu, que j’ai toujours eu envie de traduire, non pas de façon traditionnelle ¾ celle respectant l’ordre des mots en latin ¾ en « heureux les pauvres en esprit », mais : « heureux en esprit les pauvres », tant la puissance spirituelle est précisément le cadeau divin accordé aux démunis privés de tout sur le plan matériel.

Venons-en à notre sujet du jour. Face au déferlement totalitaire, la tentation d’une réponse violente est de plus en plus visible. Sur le plan de l’expérience, il m’apparaît que, dans un avenir proche pour certains pays (je songe à la France), et en cours pour d’autres (notamment la Colombie), le moment historique de la violence est inévitable, en tant que miroir comportemental de la radicalisation totalitaire. Mais nécessité fait-elle loi ? Autrement dit, la violence, qui est un passage de la dialectique historique des événements, est-elle pour autant légitime ?

La suite peut être lue à l'adresse suivante : https://www.arianebilheran.com/post/chroniques-du-totalitarisme-2-de-la-violence-en-phase-totalitaire 

Chroniques du totalitarisme - 3 Le prélude pervers sur le corps

Par Ariane Bilheran le 4 août 2021

« L’objet propre de la biopolitique, c’est la « vie nue » (zôè), qui désignait chez les Grecs « le simple fait de vivre », commun à tous les êtres vivants (animaux, hommes ou dieux), distincte de la « vie qualifiée » (bios) qui indiquait « la forme ou la façon de vivre propre à un individu ou un groupe ». Giorgio Agamben[1]. 

C’est bien cette prétention à régir cette vie nue, qui est clairement apparue depuis le premier trimestre 2020 : les restrictions des mouvements jusqu’à l’immobilisation (confinements, isolement), la distance imposée entre les corps (la « distanciation sociale »), la réduction des visages à la pulsion scopique (le seul regard), la respiration contrainte etc. Désormais, l’injection obligatoire est l’initiation incontournable du nouveau « contrat social » tracé au rythme de nuits frénétiques à l’Assemblée Nationale en France. La vie sociale, économique et politique, l’accès aux soins, à l’instruction et aux loisirs, en d’autres termes, la « civilisation », ne seront bientôt plus autorisés qu’aux seuls initiés : ceux qui auront reçu le marquage corporel exigé par le pouvoir.

Pour instaurer la logique totalitaire, Hannah Arendt avait noté l’utilisation de méthodes des sociétés secrètes : quiconque n’est pas inclus par des rituels, est exclu ; les opinions divergentes sont supprimées ; la loyauté exigée est totale. Les rituels obsessionnels compulsifs ont pénétré l’espace social depuis des mois, et condamné à la répétition traumatique perpétuelle, par le rappel de la soumission : se laver les mains avant de rentrer chez les marchands du temple, par exemple. Le corps est réduit à une muselière avec une laisse : sont actuellement à l’étude un bracelet électronique qui indiquera à combien de distance vous avez le droit de bouger, et « des mesures plus intrusives » encore, notamment le collier pour chien qui bipe ![1]

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Chroniques du totalitarisme 4 - L’apogée paranoïaque

Par Ariane Bilheran le 9 août 2021

« En réalité il n’avait rien fait. Il s’était contenté d’obéir aux ordres ; depuis quand est-ce un crime d’obéir aux ordres ? Depuis quand est-ce une vertu de se rebeller ? Depuis quand serait-ce de la décence de préférer la mort ? » Hannah Arendt, « Culpabilité organisée et responsabilité universelle », in Humanité et Terreur.

Le corps dans le système totalitaire: l’apogée paranoïaque
 
Dans l’hypocondrie délirante de la paranoïa, la maladie est partout, vécue comme dangereuse, mortelle, ennemie du vivant. Le malade est opposé au sain, comme l’impur au pur: ordre est donné d’éliminer (et avant cela, d’« évincer » pour reprendre le mot de Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation Nationale en France, concernant les enfants non vaccinés) la partie du corps social désignée comme impure.
 
L’impureté est à traquer par la terreur et des méthodes radicales : la fin justifie les moyens. C’est la raison pour laquelle la « terreur est constitutive du corps politique totalitaire, tout comme l’est la légalité pour le corps politique républicain. » (H. Arendt). On pourrait tout autant dire qu’en régime totalitaire, l’illégalité est force de loi.
 

Chroniques du totalitarisme 5 - Quand tout devient fou…